Le moulin Richard de Bas et la tradition du papier-chiffon

Dans le Puy-de-Dôme - Le moulin Richard de Bas, perpétue la fabrication du papier-chiffon

 

L'entrée principale du Moulin Richard de Bas

L'entrée principale du moulin à papier Richard de Bas et de son musée du papier

 

A quelques encâblures de la petite cité auvergnate d'Ambert, blotti dans la verdoyante vallée de Laga le moulin Richard de Bas perpétue la tradition du papier-chiffon. Quotidiennement, les ouvriers papetiers de cet étonnant moulin en activité depuis plusieurs siècles - aujourd'hui propriété de la famille Péraudeau - élaborent plusieurs centaines de feuilles de papier destinées notamment à des éditeurs, des artistes et des institutions.

Falguerolles, Malmenaide et Montgolfier, trois croisés auvergnats partis en Terre Sainte, auraient découvert la fabrication du papier dans la cité de Damas en l'an 1270. De retour en Auvergne, dans  les environs d'Ambert ils auraient fait ériger les premiers moulins à papier élaboré à partir de chiffons en lin ou chanvre. Qu'il s'agisse d'une légende ou d'un récit authentique, la fabrication de papier, dans les vallées forézienne de Laga, Grand Rif et La Forie, remonterait à au moins cinq siècles comme l'atteste un acte notarié de 1462 concernant l’une des transmissions du moulin Richard de Bas.

 

 

La roue à aube du moulin à papier-chiffon

La roue à aubes du moulin, entraînant les maillets broyant les chiffons

 

Un moulin à papier, blotti au coeur d'une attachante vallée

Depuis la petite cité d'Ambert, une départementale épousant les contours de l'attachante vallée de Laga mène l’automobiliste aux abords de ce moulin au bâti et mobilier classés. "Durant l’apogée de l’industrie papetière sur notre territoire, c'est-à-dire vers la fin du 18e siècle, l’on comptait entre 150 et 200 moulins à papier, semblables au nôtre, relate Sylvain Péraudeau, le jeune et enthousiaste gérant des lieux. Cette industrie, était favorisée par la qualité de l’eau de nos ruisseaux. Ambert, c'est évidemment sa Fourme [un fromage bleu en Appellation d'Origine Protégée ou AOP], mais également une industrie toujours vivante de la tresse et... une riche histoire papetière."

Chaque moulin à papier locaux, employait entre quatre et six ouvriers, apprentis compris. Chaque apprenti, était formé et vivait avec son maître-papetier souvent occupé en parallèle par une activité paysanne. "La formation d’un apprenti durait environ sept ans, car de nombreuses étapes sont à maîtriser pour fabriquer une feuille de papier, précise Sylvain. Dans notre moulin, ces étapes vont toujours du tri et du découpage de chiffons jusqu’au couchage et à l’étendage de nos feuilles dans un étendoir. Du fait de toutes ces étapes, le temps nécessaire à la fabrication d’une feuille s’étale sur plusieurs jours."

 

 

Une activité papetière, longtemps conséquente et renommée

Jusqu’au 19e siècle, les moulins des vallées ambertoises produisaient environ trois tonnes de papier par jour. "Pour la production des feuilles nécessaires à l'impression de l’Encyclopédie universelle de Diderot et d’Alembert, des dizaines de moulins de notre région ont fonctionné à plein régime durant des décennies. Chaque maître papetier, travaillait souvent la nuit pour mieux préserver ses secrets de fabrication." Depuis son rachat par Marius Péraudeau, le grand-père de Sylvain, durant la seconde Guerre Mondiale, le moulin Richard de Bas a bénéficié de plusieurs opérations de restauration (roue à aubes, porche...) salutaires.

Localement, ce moulin à papier est le seul dont l'activité a survécu à la concurrence des innovations technologiques mises en oeuvre ailleurs. Des innovations, dont la plus notable fut l'élaboration de papier à partir de la cellulose du bois. "L’usage de la cellulose, est apparue en raison d’une demande en papier de plus en plus forte entraînant une pénurie de chiffons. Comme les ruisseaux, de nos vallées, n'étaient pas en capacité de produire toute l’énergie mécanique, puis électrique, nécessaire au fonctionnement des machines indispensables à l'extraction de cette cellulose l'activité papetière locale a décliné."

 

L'imposante presse manuelle du moulin

L'imposante presse servant au pressage des feuilles de papier-chiffon

 

 

Sylvain Péraudeau et une feuille avec inclusions florales

Sylvain Péraudeau, observe la qualité d'une feuille avec des inclusions florales

 

D'étonnantes feuilles de papier avec inclusions florales

Depuis 1945-50, Richard de Bas élabore, entre autres, du papier destiné aux artistes et toutes sortes de produits "grand public" comme des cartes postales, des poèmes à fleurs, des Grands Textes. "Nous ouvrons nos portes, aux élèves d’écoles primaires et de collèges, aux autocaristes, aux comités d’entreprises et aux familles. L’élaboration du papier, par nos ouvriers, est visible lors d'une visite guidée d'environ une heure." Aménagée sous l'étendoir des feuilles de papier en cours de séchage, chaque visite s'achève par un passage dans une librairie où sont notamment proposées des cartes de visite, des enveloppes.


A l'extérieur, le moulin dispose d'un jardin terrasse dans lequel sont cultivés notamment des coquelicots, des bleuets. Tiges, pétales et feuilles de ses fleurs, sont destinées à la fabrication de jolies feuilles de papier avec inclusions florales ou, plus rare, de compositions. Les feuilles à inclusions, sont destinées à l'impression de poèmes, de faire-part, de menus de fêtes, et à la réalisation d'abat-jour. "Durant l'hiver, généralement nous effectuons des travaux de maintenance mais nous restons ouverts. Des mairies, de grandes institutions et l'Etat font appel à notre savoir-faire de papetiers spécialisés dans l'élaboration de papier-chiffon."


Jean-François Rivière (texte et photographies) - Des Campagnes Vivantes. ©

 

Pour aller plus loin :

http://www.richarddebas.fr ; https://www.fourme-ambert.com

Marius Péraudeau et l'aventure du Moulin Richard de Bas

 

Les grandes étapes de la naissance d'une feuille de papier-chiffon

 

Au quotidien, la fabrication du papier s’effectue au sous-sol du moulin dans une pièce voûtée. Elle nécessite la découpe préalable, en morceaux, de chiffons de lin, chanvre, coton, souvent offerts par des particuliers. Cette matière première, est versée dans des auges en pierre au dessus desquelles sont installés de vigoureux maillets en bois garnis de dents en fer. Entraînés par une roue à augets et un arbre à cames, eau et maillets réduisent les morceaux de chiffon en bouillie. La bouillie ainsi obtenue, est alors versée dans une cuve chauffée d'une contenance d'environ 1500 litres.

Pour produire une feuille, un ouvrier plonge dans la cuve une forme rectangulaire constituée d'un tamis de fils de laiton fixés à un cadre rectangulaire. Puis, il retire sa forme de la cuve et lui imprime une oscillation créant la feuille aussitôt déposée sur un feutre de laine. Les feutres et feuilles, forment une pile pressée à l'aide d'une imposante presse en bois de façon à évacuer 80 % de l’eau des feuilles. Les feuilles sont ensuite suspendues, une à une, sur des cordes dans un étendoir aménagé au dernière étage de la bâtisse. En façade du moulin, des ouvertures ventilent naturellement l'étendoir favorisant ainsi un séchage en douceur des feuilles.

Dans l'étendoir, des feuilles blanches, colorées ou avec inclusions florales

Dans la librairie du moulin, des trésors proposés aux visiteurs

Quelques vues du foyer des maîtres-papetiers du passé

Un plan d'accès au Moulin à papier Richard de Bas

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